05/11/2007
Aujourd'hui, lors de la cession d'une entreprise, la clause de garantie de passif est presque toujours demandée par l'acquéreur. En effet, elle permet de limiter les risques qui pourraient apparaître au sein de l'entreprise acquise.
La clause de garantie de passif est une convention conclue entre l'acquéreur et le cédant d'une entreprise consistant à garantir l'acheteur contre la découverte de différences entre ce qui avait été annoncé lors de la vente et la réalité. Cette clause prémunit l'acheteur d'éventuels passifs n'apparaissant pas dans les comptes.
Elle s'applique à l'achat d'entreprises ayant une forme sociétaire ; la clause de garantie de passif peut ainsi intéresser des adhérents de Centres de gestion ayant un projet de reprise d'une société dans le cadre d'un développement ou d'une diversification de leur activité.
Son principe est relativement simple ; toutefois, sa mise en Å“uvre peut s'avérer plus complexe.
PRESENTATION DE LA CLAUSE DE GARANTIE DE PASSIF
- Champ d'application
Ce type de clause a été créé par les praticiens du droit afin de prémunir les acquéreurs contre l'apparition après la cession, d'un évènement dont la cause ou l'origine serait antérieure à la cession et qui se traduirait par un accroissement du passif ou une diminution de l'actif ayant pour conséquence une réduction de la situation nette de l'entreprise.
La clause de garantie de passif constitue une garantie pour l'acquéreur ; le vendeur dans la pratique, la refuse rarement car sa signature facilite le déroulement de la transaction.
- Les précautions à prendre
Il est souhaitable de recourir à un professionnel pour la rédaction de la clause de garantie de passif puisque c'est son contenu qui va représenter l'engagement pris par le cédant. Par la signature d'une telle convention, l'acquéreur se protège contre le passif non déclaré de l'entreprise achetée. Il pourra en effet être indemnisé sur la base des dettes non déclarées, quel qu'en soit le montant même si celui-ci est supérieur au prix de cession.
Ainsi, le vendeur a intérêt à porter à la connaissance des parties tous les éléments du passif qu'il connaît au moment de l'évaluation de l'entreprise et de la négociation avec l'acquéreur.
Communiquer tous les éléments dont il a connaissance permettra au cédant d'éviter certains désagréments après l'acquisition, même si ces révélations se font en contrepartie d'une réduction de la valeur de l'entreprise.
MISE EN Å’UVRE DE LA GARANTIE
- La durée de la garantie
Généralement les cédants souhaitent inclure dans la garantie une obligation d'information leur permettant d'être informés le plus rapidement possible d'un évènement qui pourrait déclencher l'application de la garantie. A défaut d'une telle clause, les cédants ne pourront reprocher à l'acquéreur de ne pas les avoir prévenus suffisamment tôt de l'évènement et se verront dans l'obligation de verser une indemnité sans rien avoir pu faire. C'est la raison pour laquelle on retrouve dans la garantie pour protéger un minimum le cédant, un certain droit à l'information pouvant comprendre :
- un délai maximal afin de prévenir le vendeur de l'arrivée d'un passif supplémentaire. Si ce délai n'est pas respecté, le cédant pourra arguer d'un vice de procédure pour éviter le paiement de l'indemnité,
- la communication dans un certain laps de temps, des documents afférents à ce passif,
- la possibilité de participer ou de conduire directement avec son avocat les diverses procédures.
La durée de la garantie étant librement fixée entre les parties au moment de son élaboration, le cédant a bien entendu intérêt à limiter au maximum cette durée. Dans la pratique, la garantie porte sur l'année en cours plus les trois à cinq années suivantes. Le cédant n'a en général aucune raison d'accepter une garantie allant au-delà, car après un tel délai, on peut difficilement lui imputer la responsabilité de l'augmentation du passif.
- L'indemnisation
Le montant de l'indemnisation en cas d'application de la garantie a en principe une durée illimitée et peut être même supérieur au prix d'acquisition. Cependant dans la pratique, le montant de la garantie est de plus en plus plafonné. Si le montant du plafond est supérieur au prix de cession on parle effectivement d'une garantie de passif. Dans le cas contraire, on parlera de clause de garantie de valeur. Le cédant a également intérêt à stipuler un montant plancher qui déclenchera l'application de la garantie, ce qui lui évitera de verser des indemnités si un impayé de faible valeur apparaît.
Face à l'étendue certaine de l'engagement induit dans une garantie de passif, l'acquéreur exige en plus "des garanties pour la garantie" de la part du cédant. Les parties doivent se mettre d'accord sur le type de garantie exigée lors des négociations : cautions bancaires, compensations en cas de paiement échelonné du prix de cession… Le cédant a intérêt à assurer s'il en a la possibilité sa garantie de passif. Cette technique présente un double avantage : elle permet à l'acquéreur d'être certain de toucher l'indemnité si la garantie s'applique et elle dégage le cédant de son engagement personnel dans la garantie. Les compagnies d'assurance prennent en général entre 1 % et 3 % du montant de la transaction pour assurer ce risque.
Enfin le cédant peut ajouter plusieurs annexes à la garantie lui permettant d'écarter certains éléments du champ d'application de la garantie. En apportant par écrit au moment des négociations de nombreuses précisions et justificatifs sur des problèmes dont il a connaissance, le cédant peut ainsi exclure ces éléments de la garantie. Ainsi, l'acquéreur ne pourra contester par la suite en avoir eu connaissance au moment de l'acquisition.
RESPONSABILITES ET BENEFICIAIRES
- La responsabilité du cédant
La détermination de l'origine de la dette est donc essentielle pour la bonne application de la clause de garantie de passif.
Sauf clause contraire, la garantie de passif engendre une responsabilité indéfinie et solidaire de tous les cédants envers l'acquéreur. En clair, comme dans une société en nom collectif, les associés cédants devront indemniser l'acquéreur en totalité (dans le cas où il y aurait une augmentation du passif suite à un évènement non déclaré au moment des négociations) indépendamment du pourcentage de capital détenu dans la société.
Cependant, si la clause est stipulée au profit de l'acquéreur, celui-ci ne pourra continuer à en bénéficier si il cède l'entreprise avant l'expiration de la garantie à moins d'avoir introduit une clause contraire lors de l'élaboration de la garantie.
- Les bénéficiaires de la clause
Les bénéficiaires en cas d'application de la garantie doivent être stipulés expressément. La garantie peut être actionnée soit au profit de l'entreprise cédée (sous forme d'indemnisation) soit au bénéfice de l'acquéreur (sous forme d'indemnisation ou de réduction de prix).
Le choix du mode d'indemnisation dépend essentiellement de considérations fiscales. Ainsi, le paiement d'une indemnité par le cédant est fiscalement considérée comme des dommages et intérêts déductibles du résultat fiscal de l'entreprise cédée, alors que pour l'acquéreur l'indemnité reçue est imposable.
En revanche, la réduction de prix complique la situation du cédant pour lequel elle est considérée comme une baisse de la plus-value de cession. Pour l'acheteur, la réduction de prix n'est pas imposable, il doit seulement procéder à une reprise sur provisions.
CONCLUSION
Dans la pratique, la mise en place d'une clause de garantie de passif facilite la transaction, elle rassure l'acquéreur et contribue à moraliser la vie des affaires.
D'ici 2010, il est très probable que beaucoup d'entreprises seront à céder du fait du départ à la retraite de leurs dirigeants, c'est dire l'importance qu'il faut accorder à cette clause car elle constituera un outil garantissant la pérennité de nombreuses entreprises.
Dans le cadre de son élaboration, l'avocat et l'expert-comptable apparaîtront comme les interlocuteurs privilégiés du chef d'entreprise.
Éric MOYA,
Expert-comptable à Arles
CGA PROVENCE